The Roscoe Mitchell Duet

Roscoe Mitchell (photo ArteLiveWeb)

Pour reprendre contact, une musique à vrai dire plutôt exigeante. Cela se passe à Skopje, le 23 octobre 2013, avec le Roscoe Mitchell duet.
Si on connaît bien l'Art Ensemble of Chicago où il a popularisé une musique à la fois inventive et profondément ancrée dans la grande tradition noire des USA, les talents de défricheur de Roscoe Mitchell ont souvent trouvé la solution du solo pour nous entraîner vers des terres bien plus arides à la beauté plus secrète, moins immédiate.
Des distances sont alors prises avec l'héritage noir pour embrasser le domaine de l'improvisation pure, libre. Là, point de thème, presque pas de ligne mélodique, mais une ferveur certaine, des séquences quasi-hypnotiques, mais non répétitives, où il nous fait voyager au gré d'un souffle continu.
Il a pourtant choisi ici la formule du duo pour continuer cette exploration, "The Roscoe Mitchell Duet". Mais pourquoi ne pas afficher d'emblée quelle est cette ombre, ce double ? Et qu'attend-il de lui ?
Lui, c'est Tyshawn Sorey, ce fascinant batteur déjà entendu au sein de M'Base, l'une des formations de Steve Coleman. Mais il n'est pas que batteur. Il débute le concert au trombone, rejoint sa batterie, la délaisse pour le piano pour revenir au trombone en fin de concert. Et ceux qui le suivent sur SoundCloud savent qu'il est aussi compositeur. "Something else ?" aurait dit Mingus.
Comment cela se joue entre eux?
Pour nous autres néophytes, on peu avoir l'impression que ce concert a connu bien des basculements.
Un trombone entraîné dans l'improvisation pure derrière un Roscoe Mitchell lancé dans sa transe. Puis lorsque Tyshawn Sorey s'empare des baguettes, le sentiment d'un retour à un certain jazz, et l'impression d'un effet d'entraînement que crée immanquablement ce batteur y compris chez un artiste aussi aguerri que Roscoe Mitchell. Superbe solo de batterie (de 19' à 22'30) ponctué sur la fin par des éclats de notes au soprano. Il semble jeter l'éponge, ici sa serviette sur ses instruments, déballe son sac plastique contenant ses baguettes pour le hasard des chocs sur les peaux et s'en va vers le piano en laissant au souffleur tout l'espace sonore pour un discours halluciné.
Quelques notes au piano, un toucher délicat, des couleurs quasi-impressionistes qui, une fois de plus, viennent infléchir le parcours de Roscoe Mitchell. Un solo de piano aux notes qui virevoltent à la manière d'un Cecil Taylor, et un autre au saxophone alto tout de respiration circulaire.
Retour de Tyshawn Sorey au trombone. Difficile alors de dire qui a le trait, mais il est clair que ces deux là savent s'entendre au sens propre du terme.
On pourra retrouver ces deux là avec Hugh Ragin le 24 janvier 2014 à Vincennes (Sons d'Hiver)
Direction Skopje :

lien direct : http://liveweb.arte.tv/fr/video/Skopje_Jazz_Festival___Roscoe_Mitchell_Trio/
(il n'y a pas de 3e larron malgré l'adresse du lien)
Attention : cette vidéo s'autodétruira le 23 octobre 2014

Comments

[Ptilou]

Super de voir Tyshawn Sorey prendre la relève mais poursuivre aussi l’accompagnement d'un toujours "jeune" et irréductible de l'avant garde... Beau moment artistique et humain !!!