Les curiosités de David Fenech (22 octobre 09)(dolphy00) & Un texte de Claude Parle

Berrocal, Fenech, Tazartes :photo dolphy00
Le jazz est riche de diverses esthétiques qui se superposent, s'enchevêtrent, fertilisent des musiques autres ...
C'est ainsi qu'après le croisement du free jazz et de la tradition classique (Jazz Abstraction), lui-même repris dans un collage électroacoustique (Parmegiani), de nouvelles séquences sont proposées sur Flux Jazz, aux franges entre free, musique improvisée et électronique.

Il s'agit de l'une des séances d'enregistrement de David Fenech, à la Société de Curiosité, le 22 octobre dernier. On trouvera là un lien pour voir l'album photos de cette soirée.

Beaucoup de monde avait réservé, et il en vint bien plus encore.
Plaisir de voir l'un des premiers aventuriers issus du free jazz européen en la personne de Jac Berrocal.
Lunettes noires, bises à Ghédalia Tazartes, il reconnaît Claude Parle et s'en va à genoux lui baiser la main : on est déjà dans la franche dérision amicale.
Tazartes ? Un explorateur de la voix, des univers musicaux de l'autre bord de la Méditerrannée ... et d'ailleurs.
Une profusion d'objets d'objets sonores, plus une guitare, devant David Fenech, le jeune auteur de ce projet musical, jeune au moins au regard de l'âge de certains de ses invités.
Un quatrième larron, un peu en retrait, Quentin Rollet, dont on voit le sax, mais dont on se demande s'il sera ou non de la partie.

La musique est d'abord et avant tout improvisée.
De très belles sonorités, sur les divers instruments, parfois reprises, retravaillées en direct ou en léger différé par David Fenech. Une forme d'écho tremplin pour Berrocal ou Tazartes, une manière de dialogue avec soi-même.
Et au-delà des sons, un imaginaire puissant, des paysages étranges et beaux, qu'on croirait réservés à la magie du lieu, de l'instant. La réécoute des quelques séquences qui suivent prouve que non. On va pouvoir partager.

Trois vidéos, présentées séparément et non en playlist.
Pour les plus pressés, les deux premières, assez courtes (2mn25 et 4 mn).
La première est une forme de drône vocal et électronique ponctué d'éclats métalliques à la trompette.

La seconde commence par un beau chant de Tazartes, doublé par deux bandonéons, une musique lyrique à souhaits, troublée, pervertie par de petits automates que David Fenech remonte et place sur une plaque sonore, et par l'improvisation abstraite et tourmentée de Quentin Rollet sur son sax. Cela se termine sur un souffle ... du bandonéon et par une citation littéraire de haut vol.

Pour ceux qui veulent prendre le temps de la dégustation, la dernière séquence dure 9mn. Brancher les éventuelles enceintes, lancer la vidéo, mettre le plein écran, reculer son siège, étendre ses pieds, écouter/voir ...

Si la magie opère, si vous êtes à Paris le 3 décembre, si le coeur vous en dit, réservez par mail votre place à la Société de Curiosité ( lasocietedecuriosites@gmail.com ) pour un concert qui promet bien des surprises avec les mêmes et d'autres (voir JAP 2).

Un commentaire, long, riche d'émotions, que je préfère voir inclus dans l'article.
En direct du clavier de Claude Parle.

Le crépuscule du post free ...

Au 5° étage d'une petite ville de province, au sud de Paris, dans les années 65, on vit, au grand dam des occupants de l'immeuble, et qui s'en plaignirent non sans aigreur aux parents Berrocal, arriver le temps d'un week-end, une étrange faune bigarrée gravissant pesamment les degrés de bois encaustiqués qui frémissaient sous la charge tant grave que provocatrice ...
Durant quelques années, jusqu'à la fin des années 70, des chanteurs, Vasca, Fonfrède, Jehan Jonas, Paul Villaz, Gilles Elbaz ... Des musiciens, les Haricots Rouges, Gato Barbieri, Don cherry... des acteurs, des plasticiens ...
Défrayés sur la paye de Jacques, qui à l'époque, travaillait à la caisse des impôts à Saint Sulpice ...
Nous étions quelques uns à amortir ces drastiques saignées ainsi que ses parents ...
Il y avait là, bien sur, un certain Claude Parle qui, avec Jacques, Roger Ferlet, Bruno Casil (qui en devint aveugle ! ) jouaient de leurs instruments d'une façon particulièrement décadente ... se ruant dans les précipices, surfant sur les séracs des gouffres et des hauteurs que, prudemment, Dolphy, Coltrane, Mingus, puis Ornette, Don, Ayler ...découvraient et creusaient ...
Jacques ramenait tout ce qu'il pouvait autour du jazz post bop, Henri Bussiére, qui devint galiériste avant de nous quitter prématurément, tout ce qui tournait autour de l'édition, de la chanson, des arts graphiques, et moi, tout ce qu'on pouvait récolter sur la musique contemporaine ...
Durant toutes ces années, dans un bordel inouï, une confusion inextricable pimentée de provocations sans nom, une musique se créait, qui finalement se concrétisa avec la sortie de "Parallèles" double album qui vit le jour en 80 (?), mais dont l'enregistrement, par Daniel Deshays (oui, déjà! ) , se fit dans les locaux abandonnés du Sénat, derrière l'hôpital de la Salpetrière, dès 72 ...
Performances à l'Arc en 72/73, interventions dans les galeries (à cause de Michel Potage) , activisme incessant (comme mon intervention au cotés de Don Cherry à l'ambassade Américaine en 72, à l'accordéon)
Puis, montages et bidouillages avec des magnétophones récupés dans les poubelles des SAV du Conforama de Sens grâce à un bidouilleur de génie avec qui j'ai fondu des km de brasure étain ( Bernard Parizot)
Installations dans des galeries, expos et interventions de tous crins ...bandes travaillées directement à l'aimant permanent, relayées par des renvois de poulies à l'instar des "fils à couper le beurre" des carrières de Comblanchien ... des dizaines de mètres de bande 1/4 de pouce qui longeaient, parfois traversaient les salles d'expositions ...
Voila une petite bouffée de l'air des catacombes Seno-parisiennes où fermenta l'irruption de ce qui maintenant donne dans le banal, mais nous avons changé de siècle entre temps ! ...